L’interdépendance entre logiciels informatiques est source de fragilité pour les PME

Notre économie fonctionne grâce à un amoncellement de logiciels et d’applications de toutes sortes, souvent hébergés dans le cloud et interconnectés entre eux. Ces interdépendances entraînent une grande fragilité du système, et donc une augmentation des risques pour les PME qui utilisent ces logiciels. Pour réussir à poursuivre une activité normale en tout temps, les entreprises doivent réfléchir à leur résilience et à la façon de l’améliorer. C’est l’avis du professeur Laurent Sciboz, directeur des instituts de recherche de la HES-SO Valais/Wallis au Swiss Digital Center de Sierre.

Depuis le début du 21e siècle, un nouveau mode de consommation est apparu : les logiciels, les données, les plateformes, les services ne fonctionnent plus en local, mais ailleurs. « Et en général, cet ailleurs, on ne sait pas où c’est », souligne Laurent Sciboz. Ce nouveau mode de consommation « au service » a ainsi complètement changé la façon de développer des logiciels. D’autant que les datacenters dans lesquels sont hébergées ses solutions informatiques sont très interdépendants entre eux.

La plupart des entreprises travaillent avec ce type de logiciels, car ils sont les plus efficients et moins chers. Ceux-ci, que l’on nomme « Software-as-a-service » (SaaS), représentent un chiffre d’affaires annuel de 1’000 milliards d’euros. Mais cela veut dire que l’on ne réalise plus et on ne gère plus les logiciels par soi-même. « On profite de l’open source, de la planète, du cloud. Mais on ne sait pas comment les choses fonctionnent, car il y a trop d’interdépendances ». Les grandes entreprises qui gèrent ces logiciels font tout pour garder les dépendances et le marché. Il est donc très difficile pour une PME locale de rapatrier l’ensemble de son informatique sur site.

Des dépendances partout dans le monde

En 2002, Amazon a réalisé un chiffre d’affaires d’un milliard de dollars. En 2022, il a atteint 110 milliards, dont la moitié est réalisée via de la virtualisation de logiciels. Cela fonctionne relativement bien pour le moment, avec l’appui de cloud, basés principalement en Amérique du Nord ou en Chine. « En tant que PME, si vous utilisez Microsoft 365 par exemple, les dépendances sont en partie à Singapour, en partie à Milan ou encore à Atlanta. Il est probable que personne ne sache exactement où est stocké quoi »

Actuellement, tout fonctionne bien car il n’y a pas de problème particulier ou de pénurie. Mais il suffirait qu’un élément dysfonctionne pour que l’on s’aperçoive des interdépendances et de ce que cela implique sur la chaîne de production et dans l’économie. Laurent Sciboz donne l’exemple de SkyGuide, dont la panne informatique a entraîné une paralysie complète de l’espace aérien suisse durant une journée en juin 2022. « Une infrastructure vitale pour le pays est à la merci de ce type de panne et confronté aux milliers d’interdépendances informatiques ».

Tout est plus simple avec les API, mais…

Depuis une vingtaine d’années, les API (application programming interface) sont au cœur des processus informatiques et permettent les interactions entre des programmes. « Cette interaction est monumentale et le développement est très rapide et très automatisé. Avec les API, cela veut dire que n’importe quel programme ou presque peut être consommé par une autre entreprise ailleurs dans le monde. Dans cette chaîne de dépendance, il faut que tout fonctionne en permanence. Sinon, il peut y avoir des surprises, que l’on ne peut pas anticiper », prévient Laurent Sciboz. Les API peuvent également concerner les infrastructures, comme la gestion d’usine ou des systèmes énergétiques. Avec la complexité et les interdépendances, il n’est plus possible d’avoir ni autonomie ni autarcie.

Rendre les logiciels plus endurants

Cette nouvelle façon de concevoir l’informatique donne les moyens aux entreprises et aux développeurs de logiciels d’innover. « Notre devoir, en tant qu’informaticiens, est d’alerter les entreprises sur ce point et les aider à devenir plus résilientes », précise Laurent Sciboz. L’idée est de rendre les logiciels plus endurants et plus solides face aux crises et pénuries de toutes sortes. Cette thématique de la résilience occupe notamment les réflexions et les travaux des chercheurs, dont une centaine sont basés au Swiss Digital Center de Sierre. C’est donc une affaire à suivre.


Propos recueillis le 27 janvier 2023 lors de la Swiss Digital Conference

Laurent Sciboz à la Swiss Digital Conférence 2023

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