Dans un monde où la technologie semble dicter sa loi, les dirigeants de PME doivent garder la tête froide. La transformation digitale n’est pas une fin en soi, mais un moyen au service d’une stratégie d’entreprise. Tels sont les principaux messages délivrés par Aline Isoz, spécialiste de la transformation digitale. Cette dernière s’exprimait dans le cadre de la Swiss Digital Conference 2025. Pour elle, le dirigeant du futur doit avant tout rester ancré dans ses fondamentaux, tout en accompagnant le changement avec pragmatisme et humanité. Une vision qui replace l’humain au centre des préoccupations, bien loin des discours technocentrés qui dominent parfois le débat.
« Le numérique ne doit pas être la raison d’être des entreprises », précise Aline Isoz, en rappelant que la révolution numérique n’est finalement qu’une évolution de l’informatisation des entreprises, qui dure depuis 60 ans. Cette perspective historique permet de démystifier certains concepts, notamment celui de l’intelligence artificielle (IA). « L’IA ne va pas prendre les responsabilités à la place des dirigeants », souligne-t-elle, préconisant « une approche pragmatique et rationnelle ». Elle invite plutôt à considérer ces outils comme des supports d’aide à la décision, sans tomber dans le piège des « projets faramineux » qui pourraient s’avérer trop coûteux.
L’importance de la formation
La formation des collaborateurs apparaît comme un enjeu crucial, même si « la formation prend du temps et il faut dégager du temps aux gens ». Cette dimension humaine s’accompagne de défis réglementaires majeurs, avec 80 milliards de coûts de l’inflation réglementaire en Suisse, qui freinent l’innovation. « Il est dès lors impossible que le prochain Google soit suisse dans ce contexte », déplore l’experte. Elle illustre ce point avec une anecdote historique sur l’arrivée de l’automobile, où la loi exigeait qu’un homme avec un drapeau rouge marche devant chaque voiture – une réglementation rapidement abrogée face à son absurdité.
La question de la sécurité numérique n’est pas en reste. « Il n’y a pas de risque zéro dès lors que l’on utilise des outils informatiques », rappelle-t-elle, tout en soulignant l’importance d’adapter les solutions aux moyens des PME. La consolidation des acteurs dans le digital pose également des questions stratégiques sur le choix des solutions et l’indépendance technologique des entreprises.
Autoriser les échecs
Le dirigeant moderne doit selon elle « porter les projets, favoriser l’innovation et les initiatives tout en autorisant les échecs ». Une culture de l’échec qui fait particulièrement défaut en Suisse, alors qu’elle est pourtant indispensable à l’apprentissage. « Rien n’est jamais acquis dans tous les projets, y compris digitaux », rappelle-t-elle, ajoutant que « la transformation digitale n’a pas de fin ».
Les enjeux sociaux et environnementaux ne sont pas oubliés. L’experte soulève notamment la question de l’impact de l’automatisation sur l’emploi et la nécessité de « se poser la question de ce que l’on fait des gens dont on a optimisé le travail ». En conclusion, Aline Isoz a également insisté sur l’importance de considérer l’impact climatique du numérique, un aspect souvent négligé.
Propos recueillis le 30 janvier 2025 lors de la Swiss Digital Conférence